ENSEMBLE DEMAIN MEILLEUR AVEC VOUS

 Mode d'emploi :

Lancez la musique.  Laissez passer quelques secondes.
Si vous êtes une femme à la voix sensuelle, lisez le texte ci-dessous sans vous presser.
Sinon, demandez à une femme à la voix sensuelle de suivre la consigne.
Si vous ne connaissez aucune femme à la voix sensuelle, faites de votre mieux.






Parce que demain s'invente aujourd'hui.

Parce que ceux que vous aimez auront toujours besoin de vous

Parce que le le monde de demain ne se fera pas sans vous

parce que vous êtes la meilleure personne pour savoir ce qu'il vous faut

parce que le monde change et rarement en mieux 

parce que notre société s'adresse précisément à quelqu'un comme vous, c'est à dire n'importe qui

parce que même s'il semble parfois y avoir du mieux les choses vont aller en se dégradant

parce que tout ce que vous pourrez faire sera toujours bien peu

parce que fermer le robinet ne sauvera pas les pandas

parce que vos fesses ne vont pas se raffermir miraculeusement

parce que les petits défauts de ceux que vous aimez ne deviendront pas plus supportable avec le temps

parce que cette voiture neuve devra être remplacée

parce que rien de ce que vous possédez ne vaut la peine d'être transmis

parce que vous mourrez probablement dans un lit d’hôpital d'une maladie banale ou ridicule

parce que les vies de tous nos clients se ressemblent, surtout la votre

parce que vous savez pertinemment qu'il est inutile de prendre de bonnes résolutions

parce que certains de ces petits chatons finiront écrasés par une automobile

parce qu’abandonner la lutte tout de suite ne vous protègera de rien

parce que repeindre ce mur humide promet de belles déceptions

parce qu'aucun de ces objets ne changera la personne que vous êtes

parce que vous n'avez nulle part où planter un arbre et que de toutes façons il n'y a plus d'abeilles

parce qu'aucune banque ne vous aidera ne serait-ce qu'à passer la journée

pour toutes ces raisons vous n'avez rien à espérer d'une société comme la notre. Continuez à hocher la tête en appréciant la musique, c'est le mieux que vous puissiez faire. Pour vous. Pour maintenant. Tout seul.

    Bises,

la voix sensuelle de la pub
















Ce qu'il faut savoir pour savoir ce qu'on peut savoir

Il existe plusieurs façons de ne pas comprendre un livre. La première et de loin la plus néfaste est de ne le pas comprendre sans savoir qu'on est passé à côté de l'essentiel et en croyant de bonne foi avoir saisi le propos de l'auteur.C'est ce qui se produit quand le lecteur de bonne foi mais ignorant des entours de la question traitée croit reconnaitre les mots qu'il lit et partant se persuade qu'il en connait immédiatement la signification. C'est faire peu de cas du sens particulier que prennent les mots selon le domaine ou la science en quoi ils prennent naissance. Comme un voyageur, en passant d'une contrée à l'autre se conforme au mœurs et aux usages des lieux qu'il traverse, un même mot pourra changer de signification en passant d'une contrée de la connaissance à une autre.


(C'est exactement ce que je me suis dit quand, après vingt pages d'un livre de Jacques Bouveresse que je trouvais finalement d'un abord assez facile, l'auteur a précisé que quand il employait le mot "réel", c'était évidemment au sens Fregeen du terme. J'ai arrêté ma lecture à ce point.)


L'on peut encore lire un texte sans parvenir à en posséder la pleine signification parce que les mots nous en sont inconnus, parce que le sens particulier des mots nous échappe ou plus encore parce que, quand bien même les mots et les phrases qu'il forment nous paraitraient parfaitement compréhensibles, l’intérêt des phrases qu'on lit nous demeure étranger, faute de connaissance de la tradition particulière à laquelle ils tiennent. 


(C'est personnellement la sensation que j'ai quand je lis de l'anthropologie. C'est assez déprimant.) 



On peut se satisfaire de lire de travers ou imparfaitement ce qu'on lit. On se sera donné alors la peine suffisante pour dire d'un livre qu'on l'a lu. C'est beaucoup de peine pour un contentement bien mince. Bien peu à notre époque ont encore de la considération pour celui qui, ayant dépensé beaucoup de temps en lectures, connait beaucoup et mieux vaut employer son temps à chercher des succès plus faciles.

Le lecteur opiniâtre et qui recherche d'avantage la vérité que l'idée qu'il veut se faire de lui comme savant peut alors opter pour trois conduites. L'acharnement à déchiffrer un texte qui leui échappe est de loin la pire pour des raisons évidentes. L'ajournement est préférable. Comme le général avisé qui, sachant que ses forces ne lui permettent pas d'enlever la victoire aujourd'hui choisit de limiter ses pertes pour attaquer à nouveau quand la chance lui sera plus favorable, le lecteur peut remettre à un temps éloigné la confrontation avec un texte. Cette fuite n'a rien d'un déshonneur, s'il sait pouvoir reprendre le combat quand il sera mieux armé.


(c'est mon plan pour ce qui concerne la plupart des anthropologues)


mais vous n'aurrez jamais le temps de les lire...


Le renoncement est plus rare pour ce qu'il suppose du lecteur l'humilité de reconnaitre qu'il ne sera jamais en mesure d'apprécier pleinement un livre et que, dans le temps court d'une vie humaine, il ne lui sera jamais loisible de posséder le temps et les forces nécessaires pour y revenir. Semblable acceptation de l'ignorance est une douloureuse preuve de sagesse dont peu d'hommes sont capables.


(la liste s'allonge chaque jour)

*****



Jan Amos Komensky, dit Comenius : La Grande didactique ou l'art universel de tout enseigner à tous, XXI, des obstacles à la connaissance










Quelques lieux où je ne suis plus, ou pas encore, ou pas en entier

Quelque part, si cette pratique se maintient, se trouvent les deux mètres carrés de terre où je serai inhumé.

Quelque part en Vendée, entre Luçon et la Roche-sur-Yon, je jure avoir aperçu du train des dromadaires.

Quelque part en France se trouve la Vraie Meilleure Boulangerie, celle dont le croissant est vraiment le Meilleur Croissant de France, et presque à coup sûr, ceux qui la fréquentent l'ignorent.

Quelque part à l'entrée d'une cour on a construit un jour le premier portail-papillon.

Quelque part sous un rhododendron, ma tante a perdu ses lunettes en allant pisser dans la nuit après un repas bien arrosé.

Quelque part au Kazakhstan, Noursultan Nazarbaïev s'est frappé le front et a déclaré "C'est ici que nous construirons notre capitale"

Quelque part dans un rayon de trois cent mètres au moment où j'écris passe le méridien de Paris (et quelque part, ça m'interpelle)



Quelque part il y a les dents que j'ai perdues et quand j'y pense ça m'obsède.

Quelque part en Sologne, sur un petit chemin de sable bordé de bouleaux, qui longe une sapinière, il ne se passe rigoureusement rien, mais ça ne veut pas dire que je ne souhaite pas y être, ni d'ailleurs que je souhaite y être. En fait, je voudrais le regarder quand il n'y a personne, qu'il ne s'y passe rien, sans y être.
Et quelque part, ce genre de considérations, ça me fait chier.



Quelque part un employé de Google recense des façades, catalogue du mobilier urbain, entérine des rues, note la présence d'un panneau, floute des silhouettes, énumère des chiens.

Quelque part où il y a une boutique de téléphonie, il y avait des dinosaures.

Quelque part sous moi, dans l'ordre : la cinglée du dessous, une épicerie (patates douces, dakatine, bière), le niveau de la rue, la cave d'autrui (après-ski, magnétoscope, appareil à raclette), quelques canalisations, une carrière de gypse ou une champignonnière (résistants, francs-maçons, protestants, adorateurs de Satan, de Mithra, etc.), encore trente-cinq kilomètres de granit, du magma.

Quelque part en Seine Saint-Denis, le Croult est rejoint par ses affluents, le Rouillon et la Molette, sous terre.

Quelque part sur la carte je peux fixer un point et me dire que c'est là, photo de mon satellite mental, imaginer où je tombe, une cour d'école maternelle, au bord d'un ruisseau peupliers qui marquent la parcelle, la cour sereine bien proportionnée d'un musée en pierre blanches, un terrain de sport rural où s’ennuient et fument des gars : peu importe où chute le satellite, ce n'est jamais qu'un point. Dans un espace fait de mots, faire de la géographie c'est choisir ses adjectifs, mais pour se déplacer il faut des verbes.



C'est dingue, moi aussi, ça m'arrive parfois.

Il s'agit des sortes de visions que certaines personnes ont quand elles restent éveillées dans le noir ou les yeux fermés; il leur apparait toute une série de visages en général très bizarres qui se succèdent : juste après en avoir vu un, ils le voient disparaitre et laisser la place à un autre qui s'efface à son tour au profit d'un autre; et ces visages se succèdent sans qu'on puisse en arrêter un : ils s'expulsent les uns les autres. [...] J'ai connu une dame d'un très bon esprit qui avait atteint la trentaine sans avoir idée d'une telle chose et qui, en m'en entendant parler avec quelqu'un, avait peine à s'empêcher de croire que nous ne nous moquions pas d'elle, mais quelques temps après, ayant bu une grande quantité de thé (comme son médecin le lui avait ordonné) avant d'aller se coucher, elle éprouva - comme elle nous le dit à notre rencontre suivante - ce même phénomène dont notre discours avait eu beaucoup de peine à la persuader : elle avait vu une longue succession de visages; c'était tous des visages étrangers et nouveaux ; ils venaient et partaient d'eux mêmes, ils étaient insaisissables quelques efforts qu'elle fît pour les retenir; ils apparaissaient puis disparaissaient dans leur solennelle procession.

Locke, De la conduite de l'entendement, 45, De l'orientation des pensées, trad. Y. Michaud.



Ce que je sais

Petit, j'avais des idées confuses. Par exemple, il m'arrivait de confondre l'euphorbe maritime et le pourpier du littoral. Je n'étais sûr de rien : cette mouche qui vole dehors n'est-elle pas la même que celle qui était dedans il y quelques instants ? Se pourrait-il qu'elle soit passée à travers la vitre ? Mes frontières étaient celles d'un État jeune au sortir de la grande guerre. Si ma main touche mon genou, est-ce ma main qui sent mon genou ou mon genou qui sent ma main ?




Aujourd'hui c'est tout à fait l'inverse. Je sais pour qui ne pas voter, par exemple. Dans le doute, je m'abstiendrais.
Je sais si je dois conclure par cordialement, bien cordialement, bien à vous, je vous prie d'agréer l'expression de mes salutations respectueuses ou encore Je pose ma tête sur le billot Madame et vous l'offre en holocauste. Je sais presque à coup sûr si les bises, chez nous, c'est trois ou quatre. Je ne confonds plus le Gyoza et le Momo. Le Diable Amoureux de Cazotte me plait plus que Le Diable Boiteux de Lesage et d'avantage le Cognac que le Whisky. Je suis un adulte fini. Que me reste-t-il à découvrir ?

Par contre, je ne sais plus si on se tutoie.

Pierre Michon. Sur Twitter.

Je ne m'en suis pas vraiment aperçu sur le moment, de l'énormité de la chose. J'ai cliqué sur le gros bouton bleu "suivre" et hop, comme j'aurais fait pour un collègue, un vague cousin, une chanteuse de R'n'B. Voila que je suis Pierre Michon sur Twitter.

Pierre Michon. Sur Twitter.

Et ce n'est pas tout.
Quignard, dans la foulée. Item que je te le follow, le Pascal.
Pourquoi pas liker Bergounioux tant qu'on y est ?

Pourquoi pas taper dans le dos de Gracq, pousser Michaux du coude, faire suivre à Beckett, penser à rappeler Pieyre de Mandiargues ?

On les croit cantonnés dans nos bibliothèques. Aussi muets que les Baudelaire, les Goethe ou les Plutarque. Bien à leur place, tout occupés de se tenir entre leurs éclairantes préfaces et leurs érudites notules, immobiles, biens conservés comme on dit une fois l'an d'un aïeul qu'on visite.

Et puis voila que nos écrivains se révèlent des gens comme moi, avec des comptes twitter, des adresse mail, des numéros de sécurité sociale peut-être. Allez savoir. Quel mauvais goût.




Il ne manquerait plus qu'on se croise dans une soirée, à l'anniversaire d'une ancienne collègue, (Salut (bise) Pascal. Enchanté), qu'on lui demande ce-qu'il-fait dans-la-vie.

Chuis au comité d'lecture de Gallimard, tuvoi. ...nan, c'est sympa, c'est sûr, mais c'que j'veux dire ...attends, j'vais m'chercher une bière...mais c'est vrai qu'en ce moment,il vaut mieux acheter dans la ptite couronne. ...moi, j'vois, j'ai un pote qui publie chez Fata Morgana, ben il a acheté à Aubervilliers, ben rien qu'en cinq ans, ça a pris au moins vingt mille balles de plus-value...

Les écrivains qu'on aime doivent rester les voix qui parlent dans leur livres. Tous ne sont pas forcément conscients de cette obligation de réserve.

On ne fera pas tant d'histoires pour tout un tas d'auteurs qu'on laissera bien volontiers écrire dans des magazines, parler à la télévision, exprimer des opinions, même, sur des problèmes de société, parce qu'ils n'ont pas de voix. Avec eux, on parlera de la crise, du prix du mètre carré, de la saison deux.On leur passera tout.


Avec Jacottet, je ne sais plus si on se tutoie.

Mais quand on s'appelle Pascal Quignard ou Pierre Michon, tout de même, on prend garde à ce qu'on dit. Si la langue française est notre langue à nous, la littérature française est la votre, messieurs. Dans cet idiome, on attend du sublime, de la fulgurance, des mots qui se détachent sur le silence, des phrases qui charrient le temps. Pas du Lol et du RT.



T'as été sur le tumblr de Guyotat ? Attends, j't'envoie le lien, tu vas te marrer.





Il y a quelques années, je refermais les Absences du Capitaine Cook  avec la certitude que, c'était ça, la littérature, bon Dieu.
Plus tard j'ouvrais le Monde des Livres, pensais "Tiens, ça s'est amélioré, depuis la dernière fois". Mais le type qui y exprimait des avis, ce type qui signe du même nom, n'est rien qu'un type.

Qu'on me comprenne bien : je ne jette aucunement la pierre au journalisme et à l'emploi des mots qu'un tel métier suppose. Moi-même j'adore rapporter des faits, je me laisse parfois aller à une analyse et, sous la douche, quand d'autres chantent, j'éditorialise. Certes on n'apprend pas à écrire pour faire des listes de courses, pas plus qu'on n'apprend à lire pour déchiffrer le programme du théâtre de la ville.  Mais il est tout de même secourable de pouvoir employer l'écriture à ça aussi. C'est un instrument de transmission bien imparfait, qui chante mieux qu'il n'énonce, et s'il est aujourd'hui un peu suranné, inférieur au tableau Excel, à la vidéosurveillance et à tant d'autres outils de notre temps, il a encore de beau jours devant lui pour mesurer, peser et diviser ce qui est.


Mais on ne me fera jamais croire que le sympathique auteur du blog l'Autofictif, le citoyen Chevillard, le père de famille Chevillard, ce bon vieil Eric, le mec pourvu d'opinions, de goûts, ce type, cet individu, mais si, tu sais, le mec qui se fout de la gueule d'Alexandre Jardin dans le journal, là, est le même qui parle dans les livres d'Eric Chevillard. C'est probablement un homonyme.


En voiture

- Est-ce que c'est un être vivant ?
- Oui.
- Il est réel ?
- Oui.
- Est-ce qu'il a quatre pattes ?
- Oui.
- Il a des poils ?
- Non.
- C'est un dragon ?
- Non. Il a des poils.
- Alors, c'est Pikachu.
- Non. Il est réel.
- Carapuce ?
- NON. C'EST PAS UN POKEMON.
- Je sais plus quoi poser comme question...
- Ben je sais pas moi, réfléchis ! T'as qu'à demander où il vit, ce qu'il mange...
- Ah, je sais. Est-ce qu'il a été ministre du ravitaillement dans le gouvernement provisoire de la République Française ?
- Oui
- C'est Paul Ramadier !
- Gagné ! 
- Ok. A moi de te faire deviner....Chuis prêt. Pose moi des questions.
- Est-ce que c'est Pikachu ?
- Oui.
- J'ai gagné !
- Je joue plus.

Instructions pour se distraire

A tout moment, le comique de la situation risque de vous échapper : maitrisez-le des deux mains en maintenant sa mâchoire bien ouverte. Ceci fait, pénétrez-vous de l'instant et ne bougez plus.

A tout moment, la solennité de l'instant risque de vous terrasser : ignorez-le en lui tournant le dos fermement et dignement, mettez-vous à quatre pattes, gémissez si ça peut vous aider, mais sans vous départir jamais de votre dignité.

A tout moment, l'insignifiance de l'instant peut vous frapper : baissez-vous ou déportez vous légèrement sur le côté. Grâce à ce vieux truc, quelqu'un d'autre prendra le coup.





A tout moment, l'ennui peut vous surprendre : seul dans une salle d'attente, bien sûr, mais aussi au travail, lors d'une réunion importante, en discutant un sujet de société, à table avec des cousins, face à un ami d'enfance croisé au hasard des soldes, seul avec un bon roman ou au cinéma. Il est impératif d'émerger de la couche d'ennui qui menace de vous engloutir, sortir au moins la tête, garder les voies respiratoires au-dessus des flots -Métaphore impropre : l'ennui est tantôt liquide comme une conversation,  tantôt gazeux comme l'air d'une pharmacie et parfois solide comme un roman.





Il faut distinguer l'ennui libre (vous pouvez à tout moment cesser de regarder ce film, quitter la pièce, raccrocher le téléphone) de l'ennui contraint (vous êtes supposés rester dans ce bureau, cette église, cette salle de réunion pour une durée déterminée et rien ni personne ne viendra vous sauver)

Face à l'ennui libre, la fuite ou l'abandon ont fait leurs preuves. Boire cul-sec une bouteille d'alcool fort, par exemple, permet en général de tuer le temps jusqu'à la prochaine obligation.

Échapper à l'ennui contraint demande plus d'invention, de ruse. Plusieurs solutions s'offrent à vous. Attention, la première qui se présente à l'esprit (dans mon cas,  l'automutilation)  n'est pas forcément la bonne. Y réfléchir à deux fois avant d'opter pour l'une ou l'autre des échappatoires à l'ennui peut s'avérer préférable. D'ailleurs, c'est en soi une distraction suffisante que d'énumérer mentalement des remèdes à l'ennui.

Agir de façon inattendue et observer les réactions d'autrui, les siennes propres, se regarder comme un autre imprévisible est en soi une assez bonne idée, mais suppose un certain courage pour en assumer les suites.



Le plus simple est encore de raconter n'importe quoi, ce qui vous passe par la tête. Si ce que vous dites est intéressant, vos propos vous égaieront. Si c'est insipide, ennuyeux, alors vous aurez au moins la satisfaction d'ennuyer autrui, au lieu que d'être ennuyé par lui.










Quelques espèces de requins-marteaux

 Requin-marteau planeur :



Sa tête est vraiment très grande. Même chez les requins-marteaux, ce ne sont, quand il passe, que regards en biais et rires étouffés. Non mais vous avez vu cette tête énorme ? A-t-on idée ? Imaginez un peu la taille de son oreiller !
Son nom savant (Eusphyra blochii)  commémore un naturaliste allemand (Marcus Bloch. Une grosse tête, lui aussi). Quelle chance d’avoir vécu une époque où il restait encore des requins-marteaux à baptiser. Les naturalistes de notre temps ne baptisent plus que des holothuries, dans le meilleur des cas.


Requin-marteau halicorne (ou à festons) : 


Alors lui, on n’est sûr de rien à son sujet : il serait gris pâle à brun, mais parfois jaune ou blanc cassé ; il serait présent dans les zones côtières, mais aussi dans les grands fonds ; certains sont sédentaires et d’autres migrent. Solitaire, on le voit parfois en bandes d’une centaine d’individus. Une chose est sûre, il bouffe du calmar. 
 

Requin-marteau  Ecope :

Il est tout petit, et pour tout dire, ne ressemble pas du tout à l’idée qu’on se fait d’un requin-marteau. C’est à se demander vraiment pourquoi on ne s’est pas contenté de l’appeler requin-écope. D’ailleurs les américains l’appellent requin-tête-de-bonnet ou requin-tête-de-pelle. N'importe quoi ces yankees. Pourquoi pas tête-de-poignée-de-tiroir-en-céramique ou requin-marteau-tête-de-boîtier-de-VHS ?


Requin-marteau  à petits yeux :  


Ouuh, qu’il est vicieux celui-là ! Un vrai petit enfoiré avec ses petits yeux pleins de vice ! Il traine dans les eaux boueuses où il fomente quelque mauvais coup, avec son teint d’un orange de mauvais aloi à force de bouffer des crevettes. Il a beau se dire menacé par l’homme, vulnérable même, je ne m’y fierais pas. Les crevettes sont de mon avis.

Requin-marteau   commun :



On l'appelle aussi requin-marteau lisse. Smooth. C'est une autre façon de le dire, oui. Il ne se distingue pas particulièrement des autres. Moins grand que le grand, moins planeur que le planeur, moins mystérieux que l'halicorne, ses yeux sont de taille normale. C'est le moule d'où sortent les autres. Dites "requin marteau" et fermez les yeux. celui que vous voyez, c'est lui.
Linné l'a baptisé Squalus Zygaena. -"Sphyrna Zygaena", corrigèrent des successeurs scrupuleux, associant pour toujours le requin-marteau du langage commun au Zygon grec : le joug, dont sa tête évoquerait la forme. C'est curieux comme ces poissons font penser à de l'outillage, fût-il agricole, alors qu'aucune perceuse ou visseuse ne m'évoque aucun animal.
Ces fastidieuses pédanteries deviennent amusantes quand on sait que le joug se dit "Yoke" en anglais, mot fréquemment confondu avec "Yolk" qui désigne la partie de l’œuf où se développe l'embryon, que le requin-marteau lisse, vivipare comme les autres, lâche par paquets de 20 à 50 dans l'océan, après les avoir gardés 11 mois dans une poche. 

 

Requin-marteau  à  ailes blanches :

Celui-ci semble prêt à tout pour se distinguer. Le nom déjà : à ailes blanches ! Songez un peu : des ailes, sur un requin.  Quelle inquiétante chimère. Pourquoi pas une trompe sur les pigeons ? Non, point d’ailes ici. Je vous rassure, il s’agit bien de nageoires. Faites l’expérience : lâchez ce prétentieux du haut d’un promontoire rocheux, d’un édifice élevé et constatez combien peu il vole et semble en revanche fait pour la nage pélagique. Son attirance pour le fond est manifeste.  Nous voilà rassurés, la seule chose à faire avec ce prétentieux est de laisser tomber.
On me signale par ailleurs que certains d’entre eux ne sont en fait que des requins-marteaux à petits yeux. Ça confirme ce que je pensais. 


Grand requin-marteau : 

 

Comme ceux qui fréquentent par goût les restaurants d’entreprise, le grand requin-marteau semble apprécier particulièrement la raie. Et comme eux,  il semble immunisé contre son venin, sa consistance gluante et sa fadeur.  Ce requin, le plus grand de sa famille, avec la tête la plus large et la plus aplatie -le requin-marteau le plus marteau, en somme- dont la nageoire dorsale est immense, signale sa présence à des lieues à la ronde -le requin-marteau le plus requin- dont la sensibilité aux courants électriques est si fine qu’il entend penser une langouste, ce splendide prédateur qui hante à la fois les grands fonds et le sommet de la pyramide alimentaire,  cet effroyable bouffeur de raies est en voie de disparition, car son aileron entre dans la composition d’une soupe, fort appréciée dans les restaurants d’entreprise. 
Une soupe. 
La population a diminué de 73% en 25 ans. Encore dix ans à ce rythme et les animaux ne seront plus disponibles qu'en trois modèles : chien, chat et pigeon.


les réponses à toutes vos questions


D'abord une information importante : CENTRE ANTI-POISON :  01 40 05 48 48



Comme le scoutisme ou la guerre, l'examen des mots-clés tapés dans leur moteur de recherche favori par les visiteurs d'un blog peut s'avérer douloureux mais instructif.

En ce qui concerne, par exemple, celui que vous avez sous les yeux, un certain nombre d'illusions sont vite dissipées : le lecteur de ce blog n'est pas attiré par ma notoriété (et pour cause), ni par de quelconques liens (sauf les lecteurs d'Anne Savelli), ni par le sujet traité, qu'on cerne en général difficilement. Le lecteur n'est pas un fan, pas un curieux et, reconnaissons-le, n'est pas foule.

Hormis donc quelques habitués, les personnes qui arrivent ici sont principalement intéressés par deux choses : les photos de tanks et le liquide vaisselle.


Pour les premiers, qui me semblent curieusement concentrés en Russie, je ne peux pas faire grand-chose. C'est que, voyez-vous, je ne parle pas un mot de russe et ne m'intéresse pas plus que ça aux tanks. Mais comme vous me faites l'honneur de venir ici, je peux tout de même vous proposer un Sherman M4...



...un Stug avec de curieuses plaques de blindage sur les chenilles dans un paysage russe qu'on devine tragique



...un  Mark-I anglais...


...et pour les happy few, le Joseph Camaret II.


Je ne vous fais pas l'insulte de vous présenter le T-30, même en photo il me fait peur.
Voilà réglée la question des tanks et tankistes russes. Je signale tout de même que Pierre Bergounioux a consacré de belles et puissantes pages à ce sujet dans un ouvrage intitulé le Baiser de sorcière, disponible chez des libraires en échange d'argent et qu'on serait bien inspiré de lire, entre deux raids entre potes dans World of Tanks.


Quant aux autres, à ceux qu'aucun amour des tanks ne pousse ici, et qui ont eu la patience de se fader ce qui précède, c'est en général de liquide vaisselle qu'ils veulent entendre parler. Le sujet les passionne, ils brûlent d'en parler autour d'eux, de partager avec leurs amis, leurs collègues de travail, toutes leurs questions, leurs angoisses, leurs craintes au sujet de ce fascinant produit.

Je tâcherai donc de répondre ici à leurs questions les plus fréquentes : 
  
  • Mon fils/ma fille a avalé du liquide vaisselle : va-t-il mourir ? Tout le monde meurt un jour, mais pour ce qui concerne votre fils/fille, il est préférable de s'adresser au centre anti-poison, dont le numéro se trouve en haut de ce billet et que je répète ici : 01 40 05 48 48. Ce sont des gens très compétents, croyez-moi. j'ai déjà eu affaire à eux. Avant d'appeler munissez vous de l'emballage du produit concerné et tâchez de vous souvenir du poids approximatif de votre enfant.  

  •  Peut-on nettoyer un t-shirt avec du liquide vaisselle ? Ma foi, si ça vous chante,si ça peut vous faire plaisir, si nécessité fait loi, si les blés sont sous la grêle, pourquoi pas ? Ce n'est pas beaucoup plus absurde que de se confectionner un filtre a café avec du papier-toilette (ou l'inverse); d'utiliser une brosse à dent pour cirer ses souliers ou un T-30 pour combattre un détachement de fantassins retranchés dans un maquis. C'est hasardeux, mais ça peut marcher.
  • Quelle est la composition du liquide vaisselle ? C'est encore, je pense, une mauvaise utilisation de votre moteur de recherche, que vous faites là. Il vous suffit de lire la composition sur l'étiquette du flacon. Mais puisque vous insistez, sachez que le mien comporte de cinq à quinze pour cent d'agents de surfaces anioniques et moins de cinq pour cent d'agents de surface amphotères. Les agents de surface non ioniques sont tellement peu présents que j'ai failli les oublier. Comme on s'en doute, la provitamine B5 dont l'odeur caractéristique reste encore longtemps après chaque vaisselle sur nos mains lisses et douces se trouve sous forme de panthénol. Voilà, il est désolant d'avoir à rappeler de telles évidences, mais c'est de ça qu'on parle, lorsqu'on parle de liquide vaisselle.

Je suis ravi d'avoir pu répondre aux attentes et aux questions des visiteurs occasionnels de ce blog. Croyez-bien que ça ne m'amuse aucunement de parler de tout ceci, mais comme ils me font le plaisir d'une visite de temps en temps, je leur dois bien ça.

Pour les autres, les visiteurs récurrents, les fans, les fidèles lecteurs si j'ose dire, je suis navré d'avoir eu à m’appesantir sur ces sujets ineptes, mais rassurez-vous : la prochaine fois je vous parlerai de requins-marteaux.

(Au fait, Corinne, pourrais-tu me rendre mon agrafeuse s'il te plait ?)