T-Shirts

D'une manière générale, on pouvait commencer par lire ce qu'il y avait écrit sur les gens avant de distinguer la couleur de leurs yeux : ce qu'on appelait ère de l'image était donc une époque ou l'écrit avait encore son importance.

 Par exemple, on ne reconnaissait plus un habit issu des collections d'un grand couturier à sa coupe, à la qualité de ses finitions : c'était écrit en gros dessus. Ça, et d'autres messages vis-à-vis desquels nombreux semblaient professer l'indifférence la plus grande. D'une manière générale, il devenait difficile d'établir un rapport entre le message affiché sur l'habit et la personne dedans. On voyait des gens porter des blousons à l'imitation des habits de fonction du célèbre F.B.I. La question de savoir s'ils appartenaient ou non aux services de police nationale des États-Unis d'Amérique se tranchait aisément : il ne pouvait y avoir autant de policiers américains dans les rues de, disons, Nantes ou Périgueux : il devait donc s'agir d'un déguisement, d'une panoplie. Étaient-ils tous alors, tous ces déguisés, en adéquation avec la philosophie des services policiers des États-Unis d'Amérique ? En approuvaient-ils les actions concrètes ? Le dernier bilan annuel ? L'organisation hiérarchique et fonctionnelle, peut-être ? Affichaient-ils ainsi leur soutien à cette institution ? Les mêmes auraient-ils portés un T-Shirt aux armes de la gendarmerie nationale ? Du ministère de l'agriculture ?

Je n'éprouve aucune sorte de plaisir à parler de ces histoires de T-shirts, mais il me semble que personne ne s'en chargera si je ne le fais pas.

Certains T-Shirts étaient ornés d'une plaisanterie :
Un premier cas était le t-shirt avec un singe et une phrase comme "j'm'énerve pas, j'explique" ou "ça va comme un lundi". Un t-shirt d'humour au premier degré, loufoque ou cocasse et n'ayant aucune chance d'être drôle.
Dans le second cas, il s'agissait souvent d'un logo commercial ou d'un slogan détourné de son usage premier. Par exemple, en lieu et place de la feuille de cannabis, accompagné du slogan Legalize Cannabis, qui réunissait les plus politisés d'entre nous, on pouvait lire sur un T-shirt : Legalize Canada, avec une feuille d'érable. Ce genre de gag pouvait dans le meilleur des cas faire sourire une seconde et offrir matière à une anecdote. Mais pour peu qu'on soit assis face au type qui portait ce T-shirt ou pire, derrière lui en cours de mathématiques, on lisait sans cesse cette plaisanterie, encore et encore. Comme si quelqu'un s'amusait à vous répéter sans arrêt la même histoire drôle. Je ne serais pas étonné d'apprendre que les schoolshootings qui choquèrent tant le monde en 1999 et après dussent quelque chose à ces inepties vestimentaires, même si, pour ma part, je ne suis jamais passé à l'acte.