Visages de la Neuf

J'ai vu plus de visages dans les années où j'ai, deux fois le jour, pris le métro que durant le reste de ma vie.
J'y ai vu plus de visages que dans tous les musées d'Amsterdam et Florence.
Plus de visages peut-être qu'un photographe scolaire en trente ans de carrières.

Je ne pourrai pas dire que j'ai apprécié chacun d'eux, mais j'ai essayé. J'ai vécu avec le profil de chaque femme au nez droit  une vie commune de quelques secondes, mais toujours elle descendait de la rame, ou laissait  s'interposer un abdomen vulgaire, un thorax m'as-tu-vu, une tête de rhombe inexistante et opaque.

Parfois les visages se présentaient en mer de crânes, et j'étais alors un îlot. Amer, je surnageais, point de mire. Et tous les regards curieux semblaient se tourner vers moi, comme si j'étais d'un autre règne ou d'un autre élément. Certains des visages de cette mer étaient si nettement pétrifiés, que les mouettes s'y posaient, tête à guano, blanchies baignées et prolongées sans doute sous la surface de leurs manteaux en barbes ondulantes de fucus.

Visages du métro qui êtes plus émouvants que ceux du Caravage, plus émouvants que des seins, plus variés que les mouvements de l'océan (devant lesquels pourtant on se dit parfois de ces phrases qui, articulées à voix haute, ont l'air vraiment trop solennelles pour n'être pas un peu couillonnes), visages du métro, de la ligne neuf avant mairie de Montreuil,  vus parfois d’étonnamment près, comment ne pas rouler de ces pensées, couillonnes et solennelles, en vivant près de vous ces instants que le travail  nous vole ? Vous êtes plus implacables que la finance, plus changeants que la bourse, plus réels que la météo, plus hiéroglyphiques que des mots croisés, plus volatils et appétissants que des potins, plus tragiques que des faits divers. Vous êtes ma collection de timbres, mon encyclopédie illustrée, mes images Panini. Je vous aurai tous.

Je suis d'un naturel contemplatif, limite imbécile. Je ne l'ai jamais dit à personne, mais je prends un plaisir véritable à la contemplation d'un embouteillage, par exemple. Quand,depuis bientôt trois heure nous regardons en silence la mer, je suis celui qui dit "Hé ! Regarde un peu cette vague!". Et bien pourtant, regarder les affiches du métro m'ennuie plus vite que je ne saurais le dire. Chacune me distrait moins longtemps que le temps consacré à sa lecture. Je m'ennuie avant d'avoir compris la blague. J'en conçois même une sourde irritation avant même d'avoir déchiffré un mot, identifié une forme "quelle est encore cette ineptie ? Qu'ont-ils mis sur ce mur ? Qu'est-ce que ce'est encore que cette merde ?".

Alors qu'aucun visage n'est vulgaire.

le chelou de la neuf, avec lequel je fais des bastons de regards.


l 'ascension à Roquefixade (une soirée diapos)


Ils s’appelaient parfaits, refusaient l'idée du pêché originel et bâtirent quelques forteresses qu'on peut encore visiter. Parmi celles-ci, Roquefixade (en prononçant les quatre syllabes, pittoresque et majesté s'entendent.) que nous visitâmes le sept septembre. Après quoi ils préférèrent mourir en masse pour faire oublier leur infériorité militaire patente.




Vue d'en bas, c'est un roc abrupt très impressionnant. Vraiment abrupt.



Parvenu au sommet, sous la gloire qui déchire l'horizon, des fourmis en vol nuptial s’affairent à leurs préoccupations éternelles.




Où est passé septembre ?



  • A un moment des kabbalistes déguisés en ouvriers noirs ont inscrit le nom de Dieu sous ma fenêtre.
  • A un autre moment, je lisais pour la troisième fois le catalogue des ouvrages remarquables de la rentrée littéraire, établi par quelqu'un qu'on paye, lui, pour les lire.
  • A un autre moment plein d'espoir, j'appuyais sur F5. Mais non.
  • Le Samedi 22, au bord d'un étang, je me suis encore découvert un cousin, qui, comme le font les cousins, a proposé qu'on se revoie. A sa manière de cousin, il a émis l'idée que "ce serait sympa", avant d'ajouter "Par exemple, à la Saint-Hubert ? Vous faites quoi à la Saint-Hubert ?", se distinguant par là de tous les autres cousins avec lesquels j'ai pu m'entretenir au bord de cet étang.
  • "Papa,c'est froid" ai-je entendu le 23 en ouvrant les yeux, alors que je me réveillais dans l'urine de mon fils.
  • Si on s'interroge sur le moment où j'errais avec un grand morceau de carton-plume noir sous le bras, qu'on sache que j'avais prévu d'écrire sur le blog en rentrant de la papeterie, mais que j'avais oublié mes clefs, et donc errais.
  • A 5h30 du matin, le 19, j'avais une paix royale.
  • Au cinéma, vers les deux tiers du film, j'ai pensé que c'était toujours exactement la même histoire, putain, à chaque fois, dans tous les films. merde.
  • A Foix, dans une salle à manger d'un vert indescriptible, ma première truite aux amandes en vrai. (jusqu'alors je n'en avais qu'une connaissance livresque)
  • Le 1er octobre je me suis avisé qu'il était trop tard pour avoir publié un texte en septembre sur le blog.